"Enfant, quand je m'efforçais de
m'exprimer dans un langage châtié, j'avais l'impression de
me jeter dans le vide.
Une de mes frayeurs imaginaires, avoir un père instituteur qui m'aurait
obligée à bien parler sans arrêt en détachant
les mots. On parlait avec toute la bouche.
Puisque la maîtresse me "reprenait", plus tard j'ai voulu
reprendre mon père, lui annoncer que "se parterrer" ou
"quart moins d'onze heures" n'existaient pas. Il est entré
dans une violente colère. Une autre fois : "Comment voulez-vous
que je ne me fasse pas reprendre, si vous parlez mal tout le temps !"
Je pleurais. Il était malheureux. Tout ce qui touche au langage est
dans mon souvenir motif de rancoeur et de chicanes douloureuses, bien plus
que l'argent."
(1984)